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La cuisine des mots ribonds
9 mai 2008

La danse des obèses - Sophie Audouin-Mamikonian

Ce livre m'est tombé par hasard entre les mains le week-end dernier. Il est reparti depuis vers d'autres aventures. Ce samedi-là, quand je l'ai lu, je ne savais pas encore que j'ouvrirai ce blog. Ce billet est donc basé uniquement sur mes souvenirs.

La danse des obèses est une histoire de sérial killer, comme il est à la mode d'en écrire, et comme j'ai l'habitude d'en lire, ce qui m'a construit un sacré référentiel sur ce thème. Quant à Sophie Audouin-Mamikonian, elle était connue jusqu'à présent pour la série des Tara Duncan, les aventures d'une sorcière pour adolescents. La danse des obèses est donc son premier roman pour adultes. C'est dire que je l'ai ouvert avec quelques petits a priori...

La bonne surprise, c'est que ce serial killer est tout à fait original. Il nous change de tous ces bonshommes qui violent et trucident femmes et enfants pour cause de testostérone mal gérée. Ce qui rend le roman assez accrocheur, à ses débuts.

Le shéma d'écriture est classique : alternance point de vue du tueur, point de vue du flic. La première scène de crime est bien rendue, originale, elle ne tombe pas dans le gore inutilement (enfin, pour les amateurs du genre...C'est là que je vois que je suis bien déformée par mes lectures, je ne trouve pas gore qu'on accroche les gens à des crochets comme de vulgaires quartiers de boeuf. Dans les romans seulement, je vous rassure). Les auteurs ont trop souvent tendance maintenant à nous déverser des flots d'hémoglobine sans raisons si ce n'est pour cacher leurs faiblesses. Les autopsies sont sympa, le légiste sarcastique comme il se doit.

Passons au plus important : les héros. Le héros mâle est le flic qui mène l'enquête, comme de bien entendu. Il est bien gentil et le lecteur compatit charitablement à son malheur. Eh oui, le pauvre homme est un veuf inconsolable, hanté par le fantôme de la défunte. Et là, m'est venu le souvenir d'un autre flic veuf inconsolable. C'était dans un thriller français, pas moyen de me rappeler lequel hélas. Lui aussi avait eu une aventure rapide avec une collègue, pour essayer d'oublier. Le bureau de sa femme dans l'appartement avait une porte hyper-ouvragée et il n'arrivait pas à trouver le courage de l'ouvrir. Le matin, il se retrouvait effondré au pied, en ayant griffé toute la nuit le bois de ses ongles. Je ne me souviens plus du nom de cet auteur, mais je me souviens très bien de ce désespoir qu'il réussissait à nous faire partager. Ici, on éprouve juste de la sympathie pour ce veuf.

Surtout qu'il rencontre vite le héros femelle qui arrivera bien vite à le consoler, on le sait d'avance, aucun suspens. Evidemment le sentimentalisme tourne à plein régime, mais bon, c'est supportable, on a vu pire... Cette gentille fille est pédopsychiatre et, je l'avoue, j'aime bien les personnages de psy. Ils apportent un autre regard dans une histoire, un regard à la fois humain et analytique que j'apprécie. On regrette toutefois que cette psy n'ait pas la stature de ses collègues de chez Jonathan Kellerman ou Val Mc Dermid.

Pour l'écriture, on sent que l'auteur a de la bouteille. C'est fluide, facile à lire. L'auteur oublie juste parfois qu'elle ne s'adresse plus à des ados. Oui, nous savons à quoi servent les gants en maille des bouchers et que les journalistes écoutent les fréquences radio de la police. Pas besoin de tout nous expliquer. Surtout quand plus loin, on lit le mot casuistique. Je veux bien sortir mon dictionnaire pendant une lecture mais il faudrait savoir : le lecteur est censé être ignare ou pas ?

Ce roman avait suffisamment d'éléments pour être bon, voire très bon : des meurtres originaux, des personnages sympa, des fausses pistes pleines de rebondissements, une écriture agréable, une histoire d'amour pas trop pesante (je sais bien que le lecteur de romans policiers est souvent une lectrice, et qu'elle veut du sentiment romantique, même si ce n'est pas mon cas). Mais hélas, le début fort accrocheur, ma foi, ne tient pas ses promesses. On a comme l'impression au fur et à mesure de la lecture que l'auteur voulait en finir le plus vite possible :

Autant la première scène de crime est bien détaillée, autant les suivantes sont expédiées à la va-vite. alors qu'elles étaient bien imaginées pourtant. C'est d'autant plus regrettable. Pour la dernière, c'est le pompon ! Elle commence par la vision propre de la victime qui découvre avec horreur sa situation et le spectacle qui l'entoure. L'auteur évoque alors l'Enfer de Dante. Pas mal comme idée, d'ailleurs déjà utilisée dans 3 ou 4 autres romans déjà lus. Seulement l'Enfer de Dante se doit d'être dantesque, justement. Et là, le récit manque d'envergure. Tout est emballé, pesé en quelques lignes alors qu'on en attendait des pages. La montagne accouche d'une souris. Franchement, déranger Dante pour si peu...

Et la fin ! Alors là ! Je reconnais volontiers qu'il n'est pas évident de bien terminer un thriller mais tout de même, se retrouver ainsi comme dans un bouquin de la bibliothèque verte : et lui, il devient ci, et l'autre, il devient ça, tout est bien qui finit bien, ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Une véritable énumération. Et aucune ouverture vers un lendemain autre que radieux...

Et puis, il y a quelques détails incohérents. Par exemple, au début de l'histoire, on découvre l'appartement du flic, décoré avec tellement de goût par sa défunte femme. Il est question notamment de rideaux jaunes assortis aux deux canapés. Et quelque 130 pages plus loin, la psy s'assoit dans le canapé en cuir pourpre.  Je n'aime pas les rideaux assortis au canapé, ni le jaune d'ailleurs, c'est pourquoi ce détail m'avait marquée. Et désolée, des rideaux jaunes ne peuvent en aucune manière s'assortir à un canapé pourpre, surtout qu'ils sont sensés être deux, les canapés. Bon comme l'appartement est luxueux, il possède peut-être plusieurs salons. Mais non, cette chère héroïne s'en va dans la bibliothèque et revient dans le salon, il n'y en a donc qu'un. CQFD.

Certains diront que je suis chichiteuse. Ils ont tout à fait raison. Mais quand un auteur n'arrive pas à emmener le lecteur dans le flot de son récit, son esprit a tendance à vagabonder et à se focaliser sur des petits détails sans importance. Détails qui passent inaperçus quand le voyage est passionnant.

En conclusion, j'ai trouvé ce roman frustrant au possible. Il y avait là un bon matériau pour faire un thriller épique. Il commence bien, mais se termine hélas en eau de boudin. Il y a vraiment une chose que je ne comprends pas : pourquoi aucune des personnes qui ont lu le manuscrit n'a dit à l'auteur qu'à part la première, les scènes de crime étaient décrites de manière trop succincte ? Un thriller classique, c'est un tiers de dialogue, un tiers d'histoire personnelles des héros, un tiers d'enquête. Et celui-ci est réduit à la portion congru. Ah ! C'est trop décevant de sentir ce que ce roman aurait dû être, il manquait si peu.

Espérons que  Sophie Audouin-Mamikonian l'aura compris si elle veut continuer dans cette voie du thriller. Mais pour être honnête, ce bouquin, en l'état, devrait plaire à bien des lectrices qui cherchent juste une lecture de divertissement.

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La danse des obèses    -    Sophie Audouin-Mamikonian
(2008 - Robert Laffont)

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Commentaires
M
Merci pour la visite ça fait plaisir comme d'habitude. Je connaissais cette auteur j'ai du lire toute la série des tara mais vois tu ce changement ne me plais pas trop. On verra si jamais la danse est dispo à ma bibliothèque.<br /> Bonne journée et je te mets dans mes liens ;)
C
Quel billet ! Je n'en avais pas lu d'aussi long depuis longtemps... mais j'ai tenu jusqu'au bout ! (c'est un compliment...)
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