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La cuisine des mots ribonds
12 octobre 2012

Sorry - Zoran Drvenkar

Sonatine a le don de proposer des polars à nul autre pareils, en voici une nouvelle preuve flagrante. Tout d'abord, l'idée de départ de cet écrivain allemand est des plus originales : quatre amis, jeunes trentenaires, un peu paumés, créent l'agence Sorry qui s'excuse à la place de ses clients. Mais, attention, elle ne travaille que pour des entreprises. Vous imaginez, une firme licencie injustement un employé et, ensuite, Sorry lui présente ses plus plates excuses. Ah, il n'y a que dans un roman qu'on peut vivre ce genre de situation vraiment jouissive ! L'affaire marche à merveille (les entreprises ont tellement à se faire pardonner !) mais elle rencontre un os le jour où le client s'avère être un assassin et que nos pauvres compères se retrouvent devant sa victime clouée au mur.

Au delà de cette histoire sidérante, ce polar à nul autre pareil détonne par une construction aussi unique que redoutablement efficace. La plupart des chapitres se focalisent sur un seul des quatre amis à la fois, ses actions, ses pensées. D'autres, disséminés de ci, de là, parlent de toi, je ou il sans que nous sachions qui sont ces trois personnages. Pour se démarquer des polars linéaires, certains auteurs choisissent de présenter leur récit sous forme de puzzle. Ici, nous découvrons un véritable kaléidoscope, on en prend plein les mirettes, c'est génial ! Bon, OK, je présume que des lecteurs seront déboussolés, voire embrouillés mais, franchement, en lisant ce pavé sur quelques jours seulement, avec un peu d'attention, l'histoire m'a paru assez simple à suivre et tellement jouissive à décrypter.

Il est appréciable, aussi, que l'auteur ne nous bassine pas avec des romances ou des amours contrariées et choisisse de s'attacher à décrire l'amitié qui lie profondément ce quatuor si attachant. Autre thème peu commun dans les romans policiers et pourtant intéressant : le passage à l'âge adulte des adulescents. J'ignore comment Zoran Drvenkar se sent dans sa famille mais, avec le recul, on s'aperçoit que tous les parents du récit sont bien mal outillés pour aider leur progéniture à mûrir.

Par contre, je dois l'avouer, une fois refermé, ce roman m'a laissé un arrière-goût bizarre. Pas une déception, non, juste un léger sentiment négatif que je n'arrive pas à exprimer. Je ne pense pas que ce soit dû aux quelques scènes de pédophilie, violentes certes mais, bon, peu nombreuses et puis, j'en ai déjà lu d'autres bien pires (d'ailleurs, ces passages m'ont rappelé Thomas H. Cook et sa manière de décrire l'impuissance de l'enfant face à la cruauté des adultes et, surtout, cette horrible loi qui fait que d'anciennes victimes peuvent devenir bourreaux à leur tour). Ce serait peut-être à cause de certains éléments pas assez explicités par l'auteur comme cette histoire de "famille" ou des sujets un peu trop vite survolés comme le pardon et le remord.

Enfin, ce n'est qu'un détail qui n'occulte en rien mon plaisir d'avoir découvert avec Sorry un polar magistral et éminemment original.

sorry

Sorry - Zoran Drvenkar
(2011 - SONATINE - 448p)

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