Ni d'Eve ni d'Adam - Amélie Nothomb
Il y avait longtemps que j'avais lu cet auteur (au masculin, je honnis le politiquement correct). Trop d'Amélie Nothomb tue Amélie Nothomb. Puis, après ce long sevrage, je m'y remets avec Ni d'Eve ni d'Adam. Et le plaisir revient, intact.
Ceci n'est pas un roman. Amélie Nothomb m'évoque irrémédiablement Magritte, cet esprit surréaliste, complètement barge et totalement belge (comme Arno, en chanson). Cette capacité à l'auto-dérision, cette mise en abîme de la réalité. Mais d'une manière tellement subtile, tellement diffuse qu'on peut passer à côté sans rien en voir. Peut-être faut-il être soi-même pas mal lézardé pour détecter ces lézardes ?
Nous voici donc avec une classique histoire d'amour entre une occidentale et un Japonais avec l'attendu choc des cultures. L'occasion de quelques réflexions sur l'enfermement de la relation amoureuse, la liberté. Des métaphores délicieuses qui participent au plaisir de la lecture : J'avais rendu mon tablier oratoire sonne autrement que je me tus, non ? Surtout au cours d'un dîner. Amélie Nothomb nous régale aussi avec des mots inusités comme érémitique ou ergastule. Certains trouveront ce style pédant mais, dans la vie, on ressent le plaisir des mots ou pas, on mange des pâtes au beurre ou des penne all'arrabbiata. A chacun ses choix...
Mais le principal n'est pas là. Il est dans ces moments où, partant d'une réalité normale, on glisse sans s'en rendre compte vers un univers parallèle, l'esprit même d'Amélie Nothomb. En fait, je suis incapable de vous en parler, incapable d'expliquer avec des mots cette sensation de dériver ailleurs. Eh ! Tout le monde n'est pas écrivain. Je peux juste vous dire combien je jouis de ce plaisir ineffable, partagé, je l'espère, par d'autres lecteurs.
Ni d'Eve ni d'Adam - Amélie Nothomb
(2007 - Albin Michel - 245 p)